Bovin créole
Le bovin créole. En Guadeloupe, les origines diverses des bovins et les conditions particulières d’élevage (milieu tropical, usages multifonctionnels : viande, traction, peau) ont permis le développement d’une population originale et en équilibre génétique, connue sous le nom de "bovin créole", devenue race bovine française. Elevée à la Guadeloupe, il en existe une variante à la Martinique avec des racines similaires qui n’est pas répertoriée officiellement.
Les animaux Créoles présentent des caractères d’adaptation au climat tropical marqués, tels que la résistance à la chaleur (il arrive en élevage qu'elles restent trois jours sans boire !) et au parasitisme (gale, mal kadik ou piroplasmose). Cette race valorise correctement les fourrages locaux pourtant peu digestes à cause de leur teneur élevée en fibres, la complémentation alimentaire n'est pas obligatoire...
1 - Histoire de la race : ses origines, son histoire
Il n'existait pas de livre généalogique de cette race mais l'on peut tout de même retracer son histoire :
- 16ème siècle : Importation de bovins ibériques (de race Criollo) suite à la colonisation des Antilles par les Espagnols et les Portugais, car il n'existait pas de bovins endémiques des Antilles. Le premier usage devait être la fourniture de viande aux colons et autres pirates, cependant, la mise en valeur agricole de l’île a nécessité la traction animale. Moins chers que les chevaux et moins sensibles au climat, les bovins sont devenus bêtes de somme.
- 17ème & 18ème siècles : Nombreuses importations de bovins plutôt rustiques en Guadeloupe, venant de différentes régions du monde : Afrique de l’Ouest via le commerce triangulaire (Ndama, zébus), France, Angleterre, continent américain (zébus indiens issus des colonies anglaises), Inde…
- 19ème siècle : Homogénéisation de la population bovine Créole de Guadeloupe.
- Années 1945 : Depuis la Seconde Guerre mondiale, la mécanisation a rendu son rôle purement boucher à cette race.
- Années 1980 : Les bovins Créoles de Guadeloupe représentent 90% du cheptel des îles.
- 1989 : Hugo, le plus violent ouragan que n’aient jamais connu les Antilles, met par terre le dernier élevage de vaches laitières de l’île qui importe désormais tout le lait qu’elle consomme.
- 1995 : Agrément du programme de sélection.
- 1998 : Création de l'Unité Nationale de Sélection et de Promotion de la Race (UPRA) Créole (association composée d'éleveurs, de coopératives d'insémination et d'entreprises intéressées par la race, qui en gère le livre généalogique et aide les éleveurs dans la sélection de cette race. Les UPRA ont été créés à la suite de la Loi sur l'Élevage de 1966).
- Années 2000 : L’importance du croisement industriel entraîne une diminution du cheptel de race pure : on estime que plus de 50 % du cheptel guadeloupéen est issus de croisements récents.
- 2005 : Environ 20 000 vaches créoles sont élevées en Guadeloupe.
- 2007 : Naissance de Couraj, le premier veau né en Guadeloupe d’une insémination artificielle. Né le 7 janvier 2007, il appartient à l’éleveur de Sainte rose dans le nord Basse-Terre, Jacques Crozhilac. D'autres sont prévues dans l'année. Une réaction à la tendance d’abandonner la race créole au profit de races à viandes plus fortes et plus grandes. La race créole, se divise en 500 vaches certifiées, disséminées dans 40 exploitations agricoles environ, sur toute la Guadeloupe !
- 2008 : Création de Sélection Créole (changement d’appellation en lien avec la réforme des Organismes de Sélection) et développement du nombre de têtes.
2 - Caractéristiques physiques de la Sélection Créole
Elle est de taille moyenne avec un squelette fin :
- Hauteur au garrot vache : 120 cm
- Hauteur au garrot taureau : 130 cm
- Poids adulte vache : 400 kg
- Poids adulte taureau : 600 kg
Elle présente une bosse musculo-adipeuse importante entre les épaules et la base du cou ainsi qu’un fanon (chez les bovins, on appelle ainsi le repli de peau qui pend sous le cou). Huit types de robes sont décrits : roux cuivré, roux pâle, roux fauve uni, roux et charbon brûlé, beige très clair, beige et charbon brûlé, brun très sombre, et même tacheté. Il existe des variantes à lunettes, raie de mulet ou ceinture. A vrai dire, la robe n’est pas un critère déterminant pour la race Créole Guadeloupe.
Les oreilles sont petites et horizontales, la tête fine avec un profil rectiligne, les cornes sont en lyre ou en coupe vers l’avant. La peau est noire et les muqueuses foncées. L’allure générale est marquée par le métissage de zébu par une bosse sur le garrot, un fanon et un prépuce développé.
La race bovine créole, à beaucoup de qualités avec des performances dans la reproduction, sa facilité à mettre bas, une fertilité et une longévité dans la reproduction, (jusqu’à l’âge de 10/12 ans). Cet état de fait, permet à une femelle de mettre bas 8 à 9 fois ! Une vache peut même perdre 30 % de son poids sans incidence sur sa fertilité !
3 - Aptitudes et développement génétique
Le bovin Créole appartient à l'espèce Vache (Bos taurus). Il tire de son implantation de longue date en Guadeloupe une très bonne adaptation à l’élevage extensif tropical : il s’acclimate aux contraintes thermiques, montre une résistance particulière aux tiques et aux maladies qu’elles transmettent, et peut supporter certaines périodes de sous-alimentation sans que ses performances n’en souffrent. Les vaches Créoles sont régulièrement utilisées en croisement avec des taureaux de races spécialisées en lait ou en viande : elles apportent alors leur rusticité et leurs qualités maternelles aux produits.
C’est une race aujourd’hui bouchère avec un passé d’animal de trait donc. La production de lait est faible et réservée au veau. La mécanisation lui a fait abandonner son rôle moteur.
Le programme d’amélioration génétique de la race est mené par Sélection Créole et vise à préserver les effectifs de la race, mis à mal ces dernières années par un croisement industriel peu maîtrisé, et à stabiliser la race. Parallèlement à la stabilisation de la race, le schéma vise à augmenter la vitesse de croissance et la conformation des animaux (développement musculaire), tout en conservant les qualités maternelles (fertilité, facilité de vêlage, performance d’allaitement) et l’adaptation de la race à son milieu d’élevage.
En parallèle à cette sélection, une introduction mesurée de "sang" européen a été faite (Charolaise, Limousine ou Blonde d'Aquitaine – pour les performances bouchères, et Holstein – pour les performances laitières).
4 - Elevage traditionnel et culturel
Sur une île d’origine volcanique, les vastes prairies sont rares. Les petits paysans et les familles rurales qui entretiennent un peu de bétail élèvent traditionnellement (héritage de l’époque où les terres n’appartenaient pas aux habitants), les animaux au piquet : attachés par une longe (corde ou chaîne), ils valorisent les talus et bords de chemins incultes, voire les ronds-points enherbés ! Il n'est pas rare que ceux-ci se détachent d'ailleurs, provoquant parfois des accidents de la circulation comme le relate cet article de B. Colombet, en 2014, dans France-Antilles :
Une vache a perdu la vie, dans la nuit de jeudi à vendredi, après avoir été percutée par trois voitures. Aucun automobiliste n’a été blessé. Dans la nuit de jeudi à vendredi, vers 2h30 du matin, sur la RN1, en direction du Lamentin, une vache divague sur la chaussée. Plusieurs automobilistes ont été surpris par l’animal sur cette portion de route, située non loin de Beausoleil, particulièrement mal éclairée. Le bovin s’est ainsi fait percuter à trois reprises et a trouvé la mort, en plein milieu de la route. Un des trois véhicules impliqué est désormais hors d’usage. Aucun blessé n’est à déplorer.
Ainsi élevé au piquet, l'animal est généralement abreuvé (au seau) une fois par jour.
La pratique de l’abattage des bovins, en dehors de l’abattoir, est formellement interdite et constitue un délit passible de 6 mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En abattoir, les contrôles effectués par les services de l’État permettent de s’assurer de la bonne santé des animaux destinés à l’abattage. Par ailleurs, les bovins issus de la zone du "croissant bananier" (sud de la Basse-Terre de Vieux-Habitants à Petit-Bourg) font l’objet d’un dépistage systématique de la chlordécone afin de s’assurer que leur viande n’est pas contaminée et peut être consommée sans danger.
En héritage de son passé d'animal de trait, il perdure localement des courses de charrettes ou concours de "bœufs tirants" : une discipline créée dans les années 1970 pour sauvegarder la race bovine locale et qui attire aujourd’hui de plus en plus de pratiquants et de spectateurs !
En prime, je ne résiste pas à l'idée de vous renvoyer à cette parodie créole de "Bella" de Maître Gims : "Bèf la" ("La vache" en créole)...