Fourmi manioc
Fourmis-manioc sur la calebasse que je leur ai "offerte"...
La fourmi-manioc (Acromyrmex octospinosus), appelée également fourmi coupe-feuille, attine ou champignoniste est originaire de l’Amérique Centrale. Introduite accidentellement en Guadeloupe, elle fut signalée pour la première fois en 1954 à Morne-à-l’Eau et a mis moins de 50 ans à coloniser toute l’île. Cette dispersion est rendue possible par l'essaimage de fourmis ailées, qui parviennent dans certains cas à fonder de nouvelles colonies. Aux Antilles, la fourmi-manioc n'est présente « que » sur les îles de Cuba, Guadeloupe, Cariacou, Trinidad & Tobago.
Ces fourmis découpent des végétaux qu'elles transportent jusqu'au nid souterrain où elles constituent une meule pour cultiver un champignon, du genre lépiote. Elles s'alimentent ensuite des fructifications blanches de ce champignon, qui digère la cellulose que ces fourmis sont incapables de digérer. Il sert aussi d’habitat et de nourriture à la reine et aux œufs, larves, nymphes et adultes.
Dans cette espèce polygyne (plusieurs reines), dont la couleur varie de brun jaune à rouge, on distingue 2 castes : les reines, chargées de la reproduction et les ouvrières, chargées du développement de la colonie. Parmi celles-ci, 3 sous-castes :
- les minors (4mm) : chargées des soins apportés au champignon et aux larves,
- les médias : confinées au nid, elles découpent en minuscules fragments les morceaux de feuilles avant qu’ils ne soient incorporés au champignon,
- les majors (plus de 1cm) : elles travaillent hors du nid à la découpe des feuilles.
Les mâles, ne servant qu’à la reproduction, meurent rapidement…
Elles ont développé des mécanismes physiologiques et comportementaux assez particuliers pour lutter contre les infections :
· Elles ont créé des déchetteries/cimetières pour éliminer tous les déchets de la fourmilière et ainsi éviter toute contamination. Les fourmis qui transportent les déchets les déposent à l’entrée de la déchetterie et d’autres fourmis les ramassent. Ces fourmis éboueurs (les vieilles fourmis) ne retournent jamais dans la fourmilière.
· Elles cultivent une bactérie filamenteuse d’aspect blanchâtre qui protège leur champignon symbiote grâce à ses propriétés bactériennes et antifongiques.
· Elles secrètent un antibiotique qui permet de protéger principalement les œufs, larves et nymphes des bactéries présentes dans le nid.
Malheureusement, cette espèce est très polyphage : elle mange beaucoup, et de tout, depuis les miettes tombées du repas, en passant par le jardin où elle dépouille les plantes de leurs feuilles jusqu’au parc forestier de la Basse-Terre, où elle est en train de décimer les fougères arborescentes. J’en ai même vu transporter (avec peine quand-même) une croquette prise non loin de l’écuelle du chat. Disons-le clairement, cette fourmi est un fléau, en raison des ravages qu’elle occasionne !
L’INRA et d’autres chercheurs tentent (mais sans succès pour l’heure) de trouver une solution commercialisable pour éradiquer cette espèce qui n’a pas sa place ici. Un insecticide efficace avait été mis sur le marché, mais, hautement polluant, il en a été retiré. Une des rares solutions trouvées sur le net consiste à disposer près de leur passage, de la pulpe de calebasse (Crescente cujete) fermentée deux jours. Les fourmis en raffolent et emportent des fragments de pulpe, qui perturbe apparemment le champignon qu'elles cultivent. L’INRA avait commencé des tests avec cette pulpe, en 1987 : sur 10 nids traités, 3 furent tués, 3 déplacés, 3 temporairement affaiblis et le 10ème se régala ! Ces essais n'ont pas été poursuivis. (Après avoir fait le même test, parce qu'elles s'étaient attaquées à mes peids de maracuja, j'en arrive au même résultat : Une fourmilière semble avoir disparu, tandis qu'une autre poursuit son activité. NB : La calebasse de la première fourmilière était bien plus avancée, pour ne pas dire pourrie, que la seconde. Peut-être y-a-t'il un lien ? J'y reviendrai après d'autres tests).
Tant qu’on ne les dérange pas, elles font leur petit bonhomme de chemin ; mais si on les importune, elle pincent fort avec leurs mandibules, au point de se planter dans votre peau, le « cul » en l’air ! Rien de méchant, mais désagréable tout de même…