Fromager

27/11/2016 11:17

Nom vernaculaire : Fromager 

Nom créole : Fwomajé

Famille : Bombacaceae 

Genre : Ceiba - Espèce : Pentandra

Descriptif succin : Grand arbre des régions tropicales pouvant atteindre 40 m de haut (et même 60 m en Afrique), au tronc lisse et couvert de grosses épines coniques, produisant avec l'âge d'énormes contreforts (lui permettant de résister aux tempêtes et ouragans) et produisant une fibre végétale inputrescible nommée kapok.

Origines géographiques : Cet arbre est originaire du Mexique et de l'Amérique centrale en général. Mais très vite la main de l'homme l'emmena en Afrique et en Asie.

NB : Il est devenu maintenant pantropical et est considéré comme invasif dans les Iles du Pacifique. Aux Antilles, il pousse dans les forêts mésophiles de bas-fonds et sur le littoral. En Afrique, on le trouve en forêt tropicale dense humide, particulièrement dans les formations secondaires. Différentes espèces (dont Ceiba pentandra et Bombax ceiba) sont également connues sous les noms vernaculaires de Ceiba, Mapou, Bois coton, Kapokier ou arbres aux amoureux.

Histoire : Le ceiba était un arbre très sacré pour les Mayas, durant la période classique (300-900). Il symbolisait l'axe du monde, l'"axis mundi". On le trouvait planté sur les places centrales des villes des Maya Tzotzil du Chiapas. Il était associé avec les lieux de pouvoir, politique ou religieux. Cet arbre sacré était parfois représenté sous forme d'une croix (ce qui a favorisé l'adoption du christianisme à l'arrivée des Espagnols).

Le peuple Taïno utilisait le fromager pour fabriquer les grands canots qui leur permettaient d'aller d'île en île, en revanche, les indiens Caraïbes préféraient éviter d'utiliser son coton car selon la légende leur sommeil en eut été hanté.

Également appelé "arbre aux esclaves" aux Antilles, le fromager servait à punir les esclaves récalcitrants : ils étaient attachés par des liens en cuir que l’on mouillait, les rayons du soleil se chargeant de les rétrécir provoquant ainsi l’entrée des épines dans les chairs du supplicié, lacérant la peau. Plus d'un de ces malheureux s'y est également pendu... Il faut rappeler qu'en Afrique aussi cet arbre était sacré (comme le baobab) et qu'il y était également considérér comme un lien entre le monde des vivants et celui des esprits (c'est d'ailleurs dans cet arbre que s'abritait l'âme des ancêtre). Pas étonnant donc qu'entre culture amérindienne et culture africaine, les antillais lui aient réservé une place de choix dans leur mysticisme...

Car le fromager est un arbre magique dans la culture antillaise. Les comtes populaires ou "Tim Tim Bwa sek" racontent que c'est sur ses basses branches que "soukougnans", "volants" et autres "bêtes à feu" abandonnent leur enveloppe corporelle pour se livrer à leurs ébats nocturnes... Jadis, l'on pensait qu'il valait mieux également éviter de passer sous un fromager à la tombée de la nuit car ces êtres maléfiques pouvaient bien jeter un mauvais sort ! Bien imprudent aussi celui qui abattait un fromager géant : seules quelques passes magiques de protection délivrées par un ancien pouvaient éviter le malheur !

Se placer à minuit entre un fromager géant et un courbaril était en revanche conseillé pour espérer se transporter ailleurs ; mais attention, le retour n'était possible que dans les mêmes conditions...

On racontait également que l'on pouvait jeter un sort à quelqu'un en cassant l'une de ses épines. Mais on venait aussi prier au pied de l'arbre pour exorciser les maléfices.

Feuilles : Sur des branches horizontales, étalées et étagées, les feuilles palmées comportent 5 à 9 folioles, subsessiles, oblongues, de 10–18 cm de long.

Fleurs : Les fleurs blanc-jaunâtre comportent 5 colonnes de filets terminés par 1 à 3 anthères et 5 pétales de 35 mm, velus. Le style fait saillie au dehors avant l'ouverture du bouton floral.

Les fleurs apparaissent avant l'apparition des feuilles (en janvier-février aux Antilles). La pollinisation est faite par les chauves-souris.

Graines :  février Brunes. L'huile que l'on peut en extraire est comestible, elle fut également utilisée comme combustible pour l'éclairage.

Fruits : Le fruit est une capsule elliptique, ligneuse, pendante, de 10 à 30 cm de long. Il s'ouvre par 5 valves et laisse apparaître un duvet blanchâtre, cotonneux, nommé le kapok (cf. ci-dessous "Culture et production"), et les graines.

Culture et production : L'arbre est cultivé dans toutes les régions tropicales mais principalement en Asie du Sud-Est (Indonésie, Cambodge, Thaïlande). Deux principales utilisations :

La fibre végétale : Kapok

On utilise les poils fins et soyeux recouvrant ses graines pour la production d'une fibre végétale appelée kapok. Elle est composée de 64 % de cellulose, 13 % de lignine et 23 % de pentosane. Elle fournit une bourre imperméable, isolante et imputrescible que l'on utilise pour rembourrer les coussins, les oreillers, les matelas ou les gilets (les premiers colons l'avaient largement adopté à cette fin d'ailleurs). Mais son usage a connu un grand déclin après l'introduction de fibres synthétiques.

Le kapok fournit aussi une alternative biodégradable aux adsorbants d'huiles synthétiques ou d'hydrocarbures lors de pollutions, suite aux naufrages de pétroliers par exemple.

Au début du 20ème siècle, les forestiers coloniaux ont planté des fromagers partout en Afrique de l'Ouest mais aussi en Afrique orientale et australe. Jusqu'aux années 1960, le kapok constituait une marchandise d'exportation intéressante mais aujourd'hui le négoce est centré sur le bois d'œuvre pour la production de contreplaqué.

 Le 9 février 1942, tandis que les Américains transforment l'un des plus beaux paquebots français, le Normandie, en USS La Fayette, destiné au transport de troupes, un incendie se déclare à son bord : une gerbe d'étincelles embrase des paquets de gilets de sauvetage et mènera finalement à la perte du navire : Les gilets étaient bourrés de Kapok, dont l'un des points faibles est l'extrême inflammabilité...

Le bois d'œuvre

Ce bois léger, de couleur blanc crème, veiné de jaune et de rose, est actuellement surtout utilisé comme source de bois d'œuvre. Sous le nom de fuma ou ceiba, il sert à la fabrication de contreplaqué, de cageots, de caisses et en menuiserie légère.

En Afrique, les troncs évidés servent à la fabrication de pirogues. Le bois sert aussi à la fabrication de récipients, d'assiettes, d'instruments de musique et de sculptures. Les contreforts sont utilisés pour fabriquer des dessus de table et des portes.

Usages alimentaires : Les feuilles, les fleurs et les jeunes fruits se consomment cuits en sauce.

Les feuilles fournissent aussi du fourrage pour chèvres, moutons et bovins.

Les graines riches en huile fournissent un tourteau pour le bétail. Les graines grillées ou en farine sont consommées aussi par les humains mais elles sont réputées indigestes.

Propriétés médicinales : La plante est largement utilisée en médecine traditionnelle dans les Caraïbes, en Afrique, Amérique du Sud, en Inde de l'ouest et du sud, au Sri Lanka et en Asie du Sud-est.

- Aux Antilles, la racine était réputée apéritive, l'écorce diurétique et les feuilles vertes en friction contre la chute des cheveux. Actuellement, « le fromager est principalement employé en bain de feuilles, en association avec d'autres espèces médicinales, dans le traitement de la bourbouille et des troubles cutanés superficiels » (Longuefosse).
- En Birmanie, les racines sont utilisées comme fortifiant et les feuilles pour traiter la gonorrhée. Au Cambodge, les racines sont réputées réduire la fièvre, l'écorce traite la gonorrhée, la fièvre et la diarrhée. En Indonésie, une décoction de feuilles est utilisée contre la syphilis.
- En Afrique, cette plante est réputée traiter le mal de tête, les vertiges, la constipation, les troubles mentaux et la fièvre. Au Nigeria, les feuilles, l'écorce, les pousses et les racines sont largement employées. Les herboristes utilisent cette drogue en combinaison avec d'autres plantes locales pour traiter l'hypertension et le diabète. Des biochimistes de ce pays ont montré qu'un extrait d'écorce donné à des rats ayant un diabète (induit artificiellement) réduisait significativement leur niveau de glucose sanguin.